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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

destine. Excusez-moi si le lit n’est point de brocart et de dentelles.

En disant ces mots, Leclerc venait d’ouvrir une porte au bout d’un petit couloir. Il avait pris un flambeau, et pénétrait le premier dans cette pièce dont les persiennes étaient soigneusement fermées.

La chambre était rangée et proprette comme si elle eût attendu quelqu’un, l’ameublement en était simple, mais commode. Un lit à baldaquin en serge verte, deux fauteuils et une table la composaient. Sur l’un des panneaux était suspendue une carte de marine, sur l’autre, en regard, le portrait de Duquesne, alors amiral. Une boussole et quelques livres complétaient l’aspect assez sévère de ce lieu.

En le voyant, la jeune fille laissa échapper un geste de surprise.

Le vieillard semblait lui-même, à la vue de cette chambre, réprimer un mouvement d’émotion.

— Ma chère demoiselle, continua-t-il, je vous renouvelle ici mes excuses au sujet du gîte que je vous donne, mais je n’en ai point d’autre. Je vis seul ici, bien seul ; d’hier, j’ai congédié mes domestiques… il l’a fallu. Je ne loge pas même la gouvernante que vous avez vue ; elle habite auprès. Moi-même, dès demain, je dois partir pour un voyage.

— Quoi, monsieur, vous me quitteriez ! dit-elle en joignant les mains d’un air suppliant.

— Il le faut, des affaires pressées… Oh ! mais, rassurez-vous… dame Ursule me remplacera.

— Je crains de deviner, interrompit-elle en pâlissant ; ma présence ici vous importune, monsieur, je le vois ; oui, je comprends…

— Pardon, mademoiselle, mille pardons ! reprit Leclerc ; je suis peut-être défiant, c’est le tort de ma position ; mais je suis loin d’être un méchant homme, un cœur dur… Ce qui m’épouvante, c’est le bavardage ; ce qui m’alarme, ce sont les inductions que l’on va tirer de votre séjour ici… Vous paraissez bonne autant que belle ; vous ne voulez pas