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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Du tout ; je me souviens seulement que lorsque vous étiez capitaine des gardes du corps de Sa Majesté, vous vous battiez pour Branchette, une fille à madame de Brancas, et que vous blessâtes fort joliment le duc de Candale.

— C’est vrai, à telle enseigne que j’eus mon épée faussée et que j’en fis cadeau au comte de Guiche.

— Après cela, monsieur le comte, je ne veux pas, vous le concevez, me souvenir que vous eûtes noise à deux reprises avec le chevalier de Grammont, et que la Feuillade et Cavoie vous offrirent à souper le même soir. Vous fîtes honneur au souper comme au duel.

— Tu as une mémoire trop flatteuse pour moi, Barailles, Pour MM. de Vardes, de Longueville et de Vau, je n’en parle pas. Quant au chevalier Grippe-Sou[1], comme il est encore exilé, il ne pourrait venir témoigner de votre adresse. Vous l’avez guéri de l’envie de défendre madame de Montespan.

— Laisse-moi, Barailles, laisse-moi, tu me fais assister de mon vivant à mon oraison funèbre ! interrompit Lauzun avec un sourire de triomphe.

— Et maintenant, continua Barailles, si monsieur le comte redoute l’épée de M. d’Alluye…

La conversation fut interrompue, nos deux personnages venant d’atteindre Vincennes… Lauzun sauta à terre lestement, s’enfonça dans le bois avec Barailles, et se hâta de se rendre au lieu indiqué, qui était l’Étoile du carré vert.

Tout en marchant dans cette direction, Lauzun se demandait quels pouvaient être les témoins choisis par son adversaire. Redoutant un éclat, il n’amenait que Barailles.

Il ne tarda pas à entrevoir dans la feuillée deux hommes qui marchaient en se parlant d’un air d’admiration ; l’un était Roquelaure, l’autre le prince de Monaco. Lauzun réprima un sourire.

  1. Sobriquet sous lequel on désignait un aventurier qu’on croyait fils de Colbert.