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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

d’elle une seule fleur. Ces petites filles ont souvent des rancunes de grandes dames.

— Et monsieur le comte hésiterait en pareille occasion ? reprit Barailles. Il laisserait à d’autres le soin de veiller sur cette jeune et belle enfant, et cela pour rester comme un cénobite dans cette maussade retraite, dans cette prison dorée, ennuyeuse comme celles qui sont de fer ? Ah ! monsieur le comte se conduirait alors en véritable écolier qui redoute les étrivières. Celles de Mademoiselle, grâce à Dieu, ne sont pas à craindre.

— Tu as raison, Barailles, je serais un fou de ne pas rendre la liberté à cette petite.

— Voilà qui est bien parlé.

— N’est-ce pas ? Il est honteux d’abord que je reste dans l’inaction.

— C’est mon avis.

— Sa Majesté me confine ici, cela est vrai, mais elle ne peut me défendre de tenir à Paris mes promesses de Pignerol.

— Elle ne peut vous condamner à mener la vie d’un conseiller.

— Colbert doit, m’a-t-on dit, arriver ces jours-ci au Luxembourg avec une somme de neuf cent mille livres pour le seul prix de mes charges.

— Ce n’est pas trop payer ce que l’on quitte, dit Barailles.

— Oui, mais en attendant, je ne veux pas qu’il soit dit que Lauzun manque au rôle qu’il savait tenir jadis avec tant d’éclat. Malpeste ! je suis, je veux être chef d’emploi.

— Vous avez raison, qui oserait vous remplacer ?

— Je veux être gai, je veux m’amuser, je veux duper ce bonhomme Leclerc ; il me semble, je ne sais pourquoi, connaître ce nom-là. En tous cas, je connais Paquette, je connais aussi la supérieure des Filles de la Croix, elle est ma parente, et de Béarn. Barailles, vite, mon chapeau !

— Le voici, monsieur le comte, dit Barailles en s’empressant. À la bonne heure ! vous redevenez ce que je vous ai vu avant Pignerol. Voici votre chapeau, tenez.