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DES DÉLITS ET DES PEINES.

Ces monstrueux exemples ne sont pas rares[1] ; voilà pourquoi tant de gens ne regardent une société politique que comme une machine compliquée, dont le plus adroit ou le plus puissant gouverne à son gré les ressorts.

C’est là encore ce qui multiplie ces hommes froids, insensibles à tout ce qui charme les âmes tendres, qui n’éprouvent que des sensations calculées, et qui, cependant, savent exciter dans les autres les sentimens les plus chers et les passions les plus fortes, lorsqu’elles sont utiles à leurs projets ; semblables au musicien habile, qui, sans rien sentir lui-même, tire de l’instrument qu’il possède des sons touchans ou terribles.


  1. « C’est dans l’un des affreux cachots de Bicêtre qu’un complice de Cartouche passa les dix-neuf dernières années de sa vie. On avait promis de la lui conserver, pour une révélation à laquelle il s’était engagé. Il la fit cette révélation, et on lui tint parole d’une manière perfidement littérale. On lui conserva la vie, mais la vie devint son supplice ; et, pendant dix-neuf ans, il éprouva tous les jours qu’il est des maux plus horribles que la mort, qu’il avait regardée comme le pire de tous. (Mirabeau, Observations sur Bicêtre.)