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DES DÉLITS ET DES PEINES.

même esprit de férocité qui dictait des lois de sang au législateur, mettait le poignard aux mains de l’assassin et du parricide. Du haut de son trône, le souverain dominait avec une verge de fer ; et les esclaves n’immolaient leurs tyrans que pour s’en donner de nouveaux.

À mesure que les supplices deviennent plus cruels, l’âme, semblable aux fluides qui se mettent toujours au niveau des objets qui les entourent, l’âme s’endurcit par le spectacle renouvelé de la barbarie. On s’habitue aux supplices horribles ; et après cent ans de cruautés multipliées, les passions, toujours actives, sont moins retenues par la roue et le gibet, qu’elles ne l’étaient auparavant par la prison[1].

Pour que le châtiment produise l’effet que

  1. Je ne crois pas cela. L’habitude de souffrir endurcit les âmes sans doute, et la dureté du gouvernement produit cet effet ; mais lorsque l’état d’innocence sera un état doux et tranquille, les peines réservées au crime effraieront sans endurcir, et on ne se familiarisera point avec l’idée d’avoir les os brisés, et de mourir dans le supplice. — Je n’en suis pas moins de l’avis de l’auteur sur l’inutile atrocité des peines. Je combats ses raisons, et non pas ses principes. (Note de Diderot.)