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DES DÉLITS ET DES PEINES.

Premièrement, il est très-difficile d’établir une juste proportion entre les délits et les peines ; car, quoiqu’une cruauté industrieuse ait multiplié les espèces des tourmens, aucun supplice ne peut passer le dernier degré de la force humaine, limitée par la sensibilité et l’organisation du corps de l’homme. Au-delà de ces bornes, s’il se présente des crimes plus atroces, où trouvera-t-on des peines assez cruelles ?

En second lieu, les supplices les plus horribles peuvent mener quelquefois à l’impunité. L’énergie de la nature humaine est circonscrite dans le mal comme dans le bien. Des spectacles trop barbares ne peuvent être que l’effet des fureurs passagères d’un tyran, et non se soutenir par un système constant de législation. Si les lois sont cruelles, ou elles seront bientôt changées, ou elles ne pourront plus agir, et laisseront le crime impuni.

Je finis par cette réflexion, que la rigueur des peines doit être relative à l’état actuel de la nation. Il faut des impressions fortes et sensibles pour frapper l’esprit grossier d’un peuple qui sort de l’état sauvage. Il faut un coup de tonnerre pour abattre un lion furieux, que le coup de fusil ne fait qu’irriter. Mais à mesure que les âmes s’adoucissent dans l’état de