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CHAPITRE XV.

société, l’homme devient plus sensible ; et si l’on veut conserver les mêmes rapports entre l’objet et la sensation, les peines doivent être moins rigoureuses[1].


  1. « La sévérité des peines convient mieux au gouvernement despotique, dont le principe est la terreur, qu’à la monarchie et à la république, qui ont pour ressort l’honneur et la vertu. — Dans les états modérés, l’amour de la patrie, la honte et la crainte du blâme, sont des motifs réprimans qui peuvent arrêter bien des crimes. La plus grande peine d’une mauvaise action sera d’en être convaincu. Les lois civiles y corrigeront donc plus aisément, et n’auront pas besoin de tant de force. — Dans ces états, un bon législateur s’attachera moins à punir les crimes qu’à les prévenir ; il s’appliquera plus à donner des mœurs qu’à infliger des supplices. — L’expérience a fait remarquer que, dans les pays où les peines sont douces, l’esprit du citoyen en est frappé comme il l’est ailleurs par les grandes. — Qu’on examine la cause de tous les relâchemens, on verra qu’elle vient de l’impunité des crimes, et non pas de la modération des peines. — Suivons la nature, qui a donné aux hommes la honte, comme leur fléau ; et que la plus grande partie de la peine soit l’infamie de la souffrir. — Que, s’il se trouve des pays où la honte ne soit pas une suite du supplice, cela vient de la tyrannie, qui a infligé les mêmes peines aux scélérats et aux gens de bien. » (Montesquieu, de l’Esprit des lois, Liv. VI, chap. 9 et 12.)