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CHAPITRE XV.

des passions qui effacent bientôt de la mémoire des hommes les choses les plus essentielles.

Règle générale : Les passions violentes surprennent vivement, mais leur effet ne dure pas. Elles produiront une de ces révolutions subites qui font tout à coup d’un homme ordinaire un Romain ou un Spartiate. Mais dans un gouvernement tranquille et libre, il faut moins de passions violentes que d’impressions durables.

Pour la plupart de ceux qui assistent à l’exécution d’un criminel, son supplice n’est qu’un spectacle ; pour le petit nombre, c’est un objet de pitié mêlée d’indignation. Ces deux sentimens occupent l’âme du spectateur, bien plus que la terreur salutaire, qui est le but de la peine de mort. Mais les peines modérées et continuelles produisent dans les spectateurs le seul sentiment de la crainte.

Dans le premier cas, il arrive au spectateur du supplice la même chose qu’au spectateur d’un drame ; et comme l’avare retourne à son coffre, l’homme violent et injuste retourne à ses injustices.

Le législateur doit donc mettre des bornes à la rigueur des peines, lorsque le supplice