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DES DÉLITS ET DES PEINES.

ne devient plus qu’un spectacle, et qu’il paraît ordonné pour occuper la foule, plutôt que pour punir le crime.

Pour qu’une peine soit juste, elle ne doit avoir que le degré de rigueur qui suffit pour détourner les hommes du crime. Or, il n’y a point d’homme qui puisse balancer entre le crime, quelque avantage qu’il s’en promette, et le risque de perdre à jamais sa liberté.

Ainsi donc, l’esclavage perpétuel, substitué à la peine de mort, a toute la rigueur qu’il faut pour éloigner du crime l’esprit le plus déterminé[1]. Je dis plus : on envisage

  1. Je pense de même, et il n’est pas possible de n’être point frappé des raisons que l’auteur en donne. Mais j’observe qu’il renonce, et avec raison, à son principe de douceur et d’humanité envers le criminel. Dans les chaînes, sous les coups, dans les barreaux de fer, le désespoir ne termine pas ses maux, mais il les commence. Ce tableau est plus effrayant que celui de la roue, et le supplice qu’il présente est en effet plus cruel que la plus cruelle mort. Mais parce qu’il donne des exemples fréquens et durables, son efficacité le rend préférable au dernier supplice, qui ne dure qu’un instant, et sur lequel les criminels déterminés prennent trop souvent leur parti. Voilà, selon moi, la bonne raison pour préférer à l’homicide un long et douloureux esclavage. (Note de Diderot.)