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DES DÉLITS ET DES PEINES

soutenir pour un moment un édifice en ruine, et qui croule de toutes parts.

Mais, à mesure que les lumières d’une nation s’étendent, la bonne foi et la confiance réciproque deviennent nécessaires, et l’on est enfin contraint de les admettre dans la politique. Alors, on démêle et on prévient plus aisément les cabales, les artifices, les manœuvres obscures et indirectes. Alors aussi, l’intérêt général est toujours vainqueur des intérêts particuliers.

Les peuples éclairés pourraient trouver des leçons dans quelques siècles d’ignorance, où la morale particulière était soutenue par la morale publique.

Les nations ne seront heureuses que quand la saine morale sera étroitement unie à la politique. Mais des lois qui récompensent la trahison, qui allument entre les citoyens une guerre clandestine, qui excitent leurs soupçons réciproques, s’opposeront toujours à cette union si nécessaire de la politique et de la morale ; union qui rendrait aux hommes la sûreté et la paix, qui soulagerait leur misère, et qui amènerait entre les nations de plus longs intervalles de repos et de concorde, que ceux dont elles ont joui jusqu’à présent.