Aller au contenu

Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
231
CHAPITRE XXXV.

Mais les plaisirs du luxe sont la base du bonheur public, dans un pays où la sûreté des biens et la liberté des personnes ne dépendent que des lois, parce qu’alors ces plaisirs favorisent la population, tandis qu’ils deviennent un instrument de tyrannie chez un peuple dont les droits ne sont pas garantis. De même que les animaux les plus généreux et les libres habitans des airs préfèrent les solitudes inaccessibles et les forêts lointaines, où leur liberté ne court point de risque, aux campagnes riantes et fertiles que l’homme, leur ennemi, a semées de pièges, ainsi les hommes fuient le plaisir même, lorsqu’il est offert par la main des tyrans[1].

  1. Lorsque l’étendue d’un pays augmente en plus grande raison que sa population, le luxe favorise le despotisme, parce que l’industrie particulière diminue à proportion de ce que les hommes sont plus dispersés, et que moins il y a d’industrie, plus les pauvres dépendent du riche, dont le faste les fait subsister. Alors il est si difficile aux opprimés de se réunir contre les oppresseurs, que les soulèvemens ne sont plus à craindre. Les hommes puissans obtiennent bien plus aisément la soumission, l’obéissance, la vénération, et cette espèce de culte qui rend plus sensible la distance que le despotisme établit entre l’homme puissant et le malheureux. — Les hommes sont plus indépendans