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DES DÉLITS ET DES PEINES

changement des circonstances nous rend inconcevable.

Le juge, lorsqu’il remplit ses fonctions, n’est plus que l’ennemi du coupable, c’est-à dire, d’un malheureux courbé sous le poids de ses chaînes, que les chagrins accablent, que les tourmens attendent, que l’avenir le plus terrible environne d’horreur et d’effroi. Ce n’est point la vérité qu’il cherche ; il veut trouver dans l’accusé un coupable ; il lui tend des pièges ; il semble qu’il ait tout à perdre, et qu’il craigne, s’il ne peut convaincre le prévenu, de donner atteinte à cette infaillibilité que l’homme s’arroge en toutes choses.

Le juge a le pouvoir de déterminer sur quels indices on peut emprisonner un citoyen. C’est déclarer que ce citoyen est coupable, avant qu’il puisse prouver qu’il est innocent. Une telle information ne ressemble-t-elle pas à une procédure offensive ? Et voilà pourtant la marche de la jurisprudence criminelle, dans presque toute l’Europe, dans le dix-huitième siècle, au milieu des lumières ! On connaît à peine dans nos tribunaux la véritable procédure des informations, c’est-à dire, la recherche impartiale du fait, prescrite par la raison, suivie dans les lois mili-