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DES DÉLITS ET DES PEINES

funestes, à l’état sauvage. Ce fut donc un grand bien pour l’humanité (je dis un grand bien sous le rapport politique), que les premières erreurs religieuses, qui peuplèrent l’univers de fausses divinités, et qui inventèrent un monde invisible d’esprits chargés de gouverner la terre.

Ils furent les bienfaiteurs du genre humain, ces hommes hardis qui osèrent tromper leurs semblables pour les servir, et qui traînèrent l’ignorance craintive aux pieds des autels. En présentant aux hommes des objets hors de la portée des sens, ils les occupèrent à la recherche de ces objets, qui fuyaient devant eux à mesure qu’ils croyaient s’en approcher davantage ; ils les forcèrent à respecter ce qu’ils ne connaissaient jamais bien, et surent concentrer vers ce seul but qui les frappait fortement, toutes les passions dont ils étaient agités.

Tel fut le sort de toutes les nations qui se formèrent de la réunion de différentes peuplades sauvages. C’est là l’époque de la formation des grandes sociétés ; et les idées religieuses furent sans doute le seul lien qui put obliger les hommes à vivre constamment sous des lois.