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Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/340

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d’abandonner ces cas singuliers à la prudence des juges[1]. Mais s’il se trouve en effet une cause dans laquelle la loi permette de faire mourir un accusé qu’elle n’a pas condamné, il se trouvera mille causes dans lesquelles l’humanité, plus forte que la loi, doit épargner la vie de ceux que la loi elle-même à dévoués à la mort.

L’épée de la justice est entre nos mains ; mais nous devons plus souvent l’émousser que la rendre plus tranchante. On la porte dans son fourreau devant les rois, c’est pour nous avertir de la tirer rarement.

On a vu des juges qui aimaient à faire cou-

  1. Il y aura toujours beaucoup moins d’inconvénient à laisser un crime impuni, qu’à condamner à une peine capitale sans y être autorisé par une loi expresse. On ôte à la punition le seul caractère qui puisse la rendre légitime, celui d’être infligée pour le crime, et non décernée contre tel coupable en particulier. Une loi qui permet à un juge de punir de mort, lui assure l’impunité, s’il use de cette permission ; mais elle ne le disculpe point du crime de meurtre. Comment d’ailleurs imaginer qu’un crime grave soit tellement nuisible à la société, que l’existence du coupable soit dangereuse, et que cependant ce crime puisse échapper à un législateur attentif, qu’il soit difficile de le prévoir ou de le bien déterminer ?