Page:Beccaria - Traité des délits et des peines, trad Morellet, 1766.djvu/97

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libre & en société, fait une comparaison utile de tous ces maux, de l’incertitude du succès du crime, & de la brièveté du temps pendant lequel il en goûterait les fruits, avec les avantages qu’il peut s’en promettre. L’exemple continuellement présent des malheureux qu’il voit victimes de leur imprudence, le frappe plus que celui du supplice qui l’endurcit, au lieu de le corriger.

La peine de mort est encore un mal pour la Société, par l’exemple d’atrocité qu’elle donne. Si les passions ou la nécessité de la guerre ont enseigné aux hommes à répandre le sang humain, au moins les lois dont le but est d’inspirer la douceur & l’humanité, ne doivent pas multiplier les exemples de cette barbarie, exemples d’autant plus horribles, que la mort légale est donnée avec plus d’appareil & de formalité.

Il me paraît absurde que les lois qui ne sont que l’expression de la volonté publique, laquelle déteste & punit l’homicide, en commettent un elles-mêmes, & que, pour détourner les citoyens du meurtre, elles ordonnent un meurtre public. Quelles sont les lois vraies & utiles ? Celles que tous proposeraient & voudraient observer dans ces moments auxquels se tait l’intérêt dont la voix est toujours écoutée, ou lorsque cet intérêt particulier se combine avec l’intérêt général : or quels sont les sentiments