Page:Beccaria - Traité des délits et des peines, trad Morellet, 1766.djvu/98

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naturels des hommes sur la peine de mort ? Nous pouvons les découvrir dans l’indignation & le mépris avec lesquels on regarde le bourreau, qui n’est pourtant qu’un exécuteur innocent de la volonté publique, un bon citoyen qui contribue au bien général, un défenseur nécessaire de la sûreté de l’État au-dedans, comme de valeureux soldats contre les ennemis du dehors. Quelle est donc l’origine de cette contradiction, & pourquoi ce sentiment d’horreur est-il ineffaçable dans l’homme, malgré tous les efforts de sa raison ? C’est que dans une partie reculée de notre âme, où les formes originelles de la Nature se sont mieux conservées, nous retrouvons un sentiment qui nous a toujours dicté que notre vie n’est au pouvoir légitime de personne, que de la nécessité qui régit l’Univers.

Que doivent penser les hommes en voyant de sages Magistrats & des Ministres sacrés de la Justice faire traîner un coupable à la mort en cérémonie, avec indifférence & tranquillité ; & tandis que, dans l’attente du coup fatal, le malheureux est en proie aux convulsions & aux dernières angoisses, le Juge qui vient de le condamner, quitter son Tribunal pour goûter les plaisirs & les douceurs de la vie, & peut-être applaudir en secret de son autorité ?

Ah ! diront-ils, ces lois, ces formes cruelles & réfléchies