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CONTE ARABE.

pas des plus doux. Ce gardien rébarbatif auroit trouvé mauvais qu’il eût dérangé la promenade accoutumée de Nouronihar. Toute la bande s’assit donc en rond sur la pelouse, & on commença mille jeux enfantins. Les eunuques se placèrent à quelque distance, & s’entretinrent ensemble. Tout le monde étoit joyeux, Nouronihar resta pensive & abattue. Sa nourrice s’en apperçut, & se mit à faire des contes plaisans, auxquels Gulchenrouz, qui avoit déjà oublié toutes ses inquiétudes, prenoit grand plaisir. Il rioit, il battoit des mains, & faisoit cent petites niches à toute la compagnie, même aux eunuques, qu’il vouloit absolument faire courir après lui, en dépit de leur âge & de leur décrépitude.

Sur ces entrefaites, la lune se leva ; la soirée étoit délicieuse, & on se trouva si bien, qu’on résolut de souper au grand air. Un des eunuques courut chercher des melons ; les autres firent pleuvoir des amandes fraîches en secouant les arbres qui ombrageoient l’aimable bande. Sutlemémé, qui excelloit à faire des salades, remplit des grandes jattes de porcelaine d’herbes les plus délicates, d’œufs de petits oiseaux, de lait caillé, de jus de citron & de tranches de concombres, & en servit à la ronde, avec une grande cuiller