Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
CONTE ARABE

immobile. Il n’osoit approcher de cette figure tremblante & pâle ; mais pourtant encore charmante à voir. Enfin, Nouronihar, d’un air moitié content & moitié affligé, leva ses beaux yeux sur lui, & lui dit : Seigneur, vous venez donc manger du riz avec moi, & entendre des sermons ? Ombre chérie, s’écria Vathek, vous parlez ! vous avez toujours la même forme élégante, le même regard rayonnant ! Seriez-vous aussi palpable ? En disant ces mots, il l’embrasse de toute sa force, en répétant sans cesse ; mais voici de la chair, elle est animée d’une douce chaleur ; que veut dire ce prodige ?

Nouronihar répondit modestement ; vous savez, Seigneur, que je mourus la nuit même où vous m’honorâtes de votre visite. Mon cousin dit que ce fut d’une de vos œillades, mais je n’en crois rien ; elles ne me parurent pas si terribles. Gulchenrouz mourut avec moi, & nous fûmes tous les deux transportés dans un pays bien triste, & où l’on fait très-maigre chère ; si vous êtes mort aussi, & que vous veniez nous joindre, je vous plains, car vous serez étourdi par les nains & les cigognes. D’ailleurs, il est fâcheux pour vous & pour moi, d’avoir perdu les trésors du palais souterrein qui nous étoient promis.