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VATHEK,

de la montagne si dévot & si contrit, que tous les barbons en étoient en extase.

Nouronihar, de son côté, n’étoit pas tout-à-fait aussi contente. Quoiqu’elle aimât Gulchenrouz, & qu’on la laissât libre avec lui, afin d’augmenter sa tendresse, elle le regardoit comme un joujou qui n’empêchoit pas que l’escarboucle de Giamchid ne fût très-desirable. Elle avoit même quelquefois des doutes sur son état, & ne pouvoit pas comprendre que les morts eussent tous les besoins & les fantaisies des vivans. Un matin, pour s’en éclaircir, elle se leva doucement d’auprès de Gulchenrouz, pendant que tout dormoit encore, & après lui avoir donné un baiser, elle suivit le bord du lac, & vit qu’il se dégorgeoit sous un rocher dont la cîme ne lui parut pas inaccessible. Aussi-tôt elle y grimpa du mieux qu’elle put, & voyant le ciel à découvert, elle se mit à courir comme une biche qui fuit le chasseur. Quoiqu’elle sautât avec la légèreté de l’anteloppe, elle fut pourtant obligée de s’asseoir sur quelques tamaris pour reprendre haleine. Elle y faisoit ses petites réflexions, & croyoit reconnoître les lieux, quand tout-à-coup Vathek se présenta à sa vue. Ce prince inquiet & agité avoit devancé l’aurore. Lorsqu’il vit Nouronihar, il resta