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Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/135

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CONTE ARABE

se remuoient, & les Goules attirés par la fraîcheur des nouveaux cadavres, sortoient de toutes parts avec le nez en l’air. Tous se rendirent devant un cercueil de marbre blanc où Carathis étoit assise entre les deux corps de ses malheureux conducteurs. Cette princesse reçut son monde avec une politesse distinguée, & après avoir soupé, on parla d’affaires. Elle apprit bientôt ce qu’elle desiroit de savoir, & sans perdre de tems voulut se remettre en marche : les négresses qui avoient commencé des liaisons de cœur avec les Goules, la supplièrent de tous leurs doigts d’attendre au moins jusqu’à l’aurore ; mais Carathis, qui étoit la vertu même & ennemie jurée des amours & de la mollesse, rejetta leur prière, & montant sur Alboufaki, leur ordonna de s’y placer au plus vîte. Pendant quatre jours & quatre nuits, elle continua son voyage sans s’arrêter. Le cinquième, elle traversa des montagnes & des forêts à demi brûlées, & arriva le sixième devant les beaux paravents, qui déroboient à tous les yeux, les voluptueux égaremens de son fils.

C’étoit la pointe du jour : les gardes ronfloient dans leurs postes en pleine sécurité ; le grand trot d’Alboufaki les réveilla en sursaut ; ils crurent voir des spectres sortis du noir abîme, & s’enfuirent