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CONTE ARABE

des tigres blessés d’un trait empoisonné ; tous s’évitoient ; & quoiqu’au milieu d’une foule, chacun erroit au hasard, comme s’il avoit été seul.

À l’aspect de cette funeste compagnie, Vathek & Nouronihar se sentirent glacés d’effroi. Ils demandèrent avec importunité, au Giaour, ce que tout cela signifioit, & pourquoi tous ces spectres ambulans n’ôtoient jamais leur main droite de dessus leur cœur ? Ne vous embarrassez pas de tant de choses à l’heure qu’il est, leur répondit-il brusquement, vous saurez tout dans peu ; hâtons-nous de nous présenter devant Eblis. Ils continuèrent donc à marcher à travers tout ce monde ; mais malgré leur première assurance, ils n’avoient pas le courage de faire attention aux perspectives des salles & des galeries, qui s’ouvroient à droite & à gauche : elles étoient toutes éclairées par des torches ardentes, & par des brasiers dont la flamme s’élevoit en pyramide, jusqu’au centre de la voûte. Ils arrivèrent enfin en un lieu, où de longs rideaux de brocard cramoisi & or, tomboient de toutes parts dans une confusion imposante. Là, on n’entendoit plus les chœurs de musique ni les danses ; la lumière qui y pénétroit, sembloit venir de loin.

Vathek & Nouronihar se firent jour à travers