Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/34

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purent se contenir. En vain pour les arrêter, les eunuques les pinçoient jusqu’au sang ; elles s’échappèrent de leurs mains : & ces fidèles gardiens, presque morts de frayeur, ne pouvoient eux-mêmes s’empêcher de suivre à la piste la boule fatale.

Après avoir ainsi parcouru les salles, les chambres, les cuidines, les jardins & les écuries du palais, l’Indien prit enfin le chemin des cours. Le Calife, plus acharné que les autres, le suivoit de près, & lui lançoit autant de coups de pieds qu’il pouvoit : son zèle fut cause qu’il reçut lui-même quelques ruades adressées à la boule.

Carathis, Morakanabad, & deux ou trois autres visirs dont la sagesse avoit jusqu’alors résisté à l’attraction générale, voulant empêcher le Calife de se donner en spectacle, se jettèrent à ses genoux pour l’arrêter ; mais il sauta par-dessus leurs têtes, & continua sa course. Alors, ils ordonnèrent aux Muézins d’appeller le peuple à la prière, tant pour l’ôter du chemin, que pour l’engager à détourner par ses vœux une telle calamité ; tout fut inutile. Il suffisoit de voir cette infernale boule pour être attiré après elle. Les Muézins eux-mêmes, quoiqu’ils ne la vissent que de loin, descendirent de leurs minarets, & se