Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/35

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joignirent à la foule. Elle augmenta au point, que bientôt il ne resta dans les maisons de Samarah que des paralytiques, des culs-de-jattes, des mourans, & des enfans à la mamelle dont les nourrices s’étoient débarrassées pour courir plus vîte : même Carathis, Morakanabad & les autres s’étoient enfin mis de la partie. Les cris des femmes échappées de leurs sérails ; ceux des eunuques s’efforçant de ne pas les perdre de vue ; les juremens des maris, qui, tout en courant, se menaçoient les uns les autres ; les coups de pieds donnés & rendus ; les culbutes à chaque pas, tout enfin rendoit Samarah semblable à une ville prise d’assaut & livrée au pillage. Enfin, le maudit Indien, sous cette forme de boule, après avoir parcouru les rues, les places publiques, laissa la ville déserte, prit la route de la plaine de Catoul, & enfila une vallée au pied de la montagne des quatre sources.

L’un des côtés de cette vallée étoit bordé d’une haute colline ; de l’autre étoit un gouffre épouvantable formé par la chute des eaux. Le Calife & la multitude qui le suivoit craignirent que la boule n’allât s’y jetter & redoublèrent d’efforts pour l’atteindre, mais ce fut en vain ; elle roula dans le gouffre, & disparut comme un éclair.