Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ses visirs & les grands de la cour plus près de lui que les autres, crurent d’abord qu’il s’étoit assis sur l’herbe pour jouer avec les enfans ; mais une sorte d’inquiétude les ayant saisis, ils s’avancèrent & virent le Calife tout seul, qui leur dit d’un air égaré : que voulez-vous ? Nos enfans ! nos enfans ! s’écrièrent-ils. Vous êtes bien plaisans, leur répondit-il, de vouloir me rendre responsable des accidens de la vie. Vos enfans sont tombés en jouant dans le précipice qui étoit ici, & j’y serois tombé moi-même, si je n’avois fait un saut en arrière.

À ces mots, les pères des cinquante enfans poussent des cris perçans, que les mères répétèrent d’un octave plus haut ; tandis que tous les autres, sans savoir de quoi on crioit, enchérissoient sur eux par des hurlemens. Bientôt on se dit de tous côtés : c’est un tour que le Calife nous a joué pour plaire à son maudit Giaour ; punissons-le de sa perfidie, vengeons-nous ! vengeons le sang innocent ! jettons ce cruel Prince dans la cataracte, & que sa mémoire même soit anéantie !

Carathis, effrayée par cette rumeur, s’approcha de Morakanabad. Visir, lui dit-elle, vous avez perdu deux jolis enfans, vous devez être le plus désolé des pères ; mais vous êtes vertueux, sauvez