Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/113

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femmes y résistent ou plutôt se révoltent contre elle. Mais est-ce bien aux actrices qu'il faut reprocher leurs excès de toilette? N'y a-t-il pas de la faute du public? Voyez dans une salle de spectacle toutes les lorgnettes se diriger sur l'actrice qui entre en scène, l'environner, la dévisager, la passer en revue dans toutes les parties de sa personne, examiner les mille détails de sa toilette, signer sa robe du nom du plus habile faiseur, faire l'inventaire et l'estimation de ses diamants et de ses dentelles. Du moment que le spectateur modifie les conditions de l'optique théâtral, l'actrice est-elle bien coupable de violer la loi d'apparence? Notez que ces superbes toilettes, si véritablement belles et luxueuses quand on les détaille au grossissement de la lorgnette, sont très souvent d'un très médiocre effet quand on les regarde à l'œil nu, c'est-à-dire quand on les replace dans les conditions optiques qui conviennent au théâtre. C'est que l'art de la toilette à la ville obéit à de tout autres lois que l'art de la toilette à la scène. La toilette de ville est soumise de très près à la vue et à la possibilité du toucher; la toilette de théâtre n'est faite que pour nous procurer une satisfaction du sens de la vue, affaibli par la distance. En sculpture et en peinture, une œuvre destinée à être regardée à une distance de trente mètres est d'un travail absolument différent de celle qui doit être vue à une distance de trois ou quatre mètres. Il en est de même de la toilette des actrices: un costume de théâtre doit, pour produire le même effet qu'un costume de ville, être traité différemment et exige des étoffes