Aller au contenu

Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

du moyen âge et de la chevalerie; or, ce qu'en 1830 on croyait être, soit le langage, soit l'esprit du moyen âge, n'est aujourd'hui à nos yeux que le langage et l'esprit de 1830. Nous voyons le passé sous un angle différent. Si donc, à cette époque, on s'était contenté de marquer le moyen âge de traits généraux, ceux-ci auraient conservé le privilège de nous le rendre à peu près tel que nous pouvons encore le concevoir aujourd'hui; mais ce sont les traits particuliers qui ont gâté le portrait et lui donnent maintenant un certain air de caricature.

N'est-ce pas, en effet, ce défaut, joint à l'abus du pittoresque et de l'antithèse, qui déjà, du vivant même de Victor Hugo, nuit à l'œuvre dramatique du poète, en dépit de l'imagination poétique qu'on admire dans Hernani, cette œuvre rayonnante de jeunesse et de passion, en dépit de la perfection littéraire à laquelle atteint le style de Ruy Blas. Au contraire, le Cid et Bajazet ont-ils vieilli? Ils n'ont pas aujourd'hui une ride de plus qu'au jour où ils ont paru sur la scène. Le Cid a par lui-même un effet représentatif considérable, mais Corneille ne s'est pas abandonné à la couleur locale; ses héros sont marqués de traits humains plus que particulièrement espagnols, sauf en ce qui concerne l'honneur. Sans doute l'enflure du style cornélien ne correspond plus à notre goût actuel, mais elle est corrigée par la franchise de l'accent et par la beauté morale des situations, sur laquelle la recherche du pittoresque n'empiète jamais. Quant à Bajazet, qui ne devrait jamais quitter pour longtemps