Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de Sophocle et d'Euripide? Nos recherches ne seraient pas couronnées de ce côté de plus de succès.

Nous n'avons que des idées assez confuses sur l'organisation des théâtres antiques; et le peu que nous en savons suffit pour nous démontrer que dans l'antiquité la décoration et le costume des acteurs étaient en partie fantaisistes et en partie hiératiques. Quant à ce que nous appelons la couleur locale et la vérité historique, les anciens ne s'en préoccupaient nullement. D'ailleurs leurs personnages tragiques appartenaient à un passé purement légendaire et épique, et étaient en réalité des créations de leur imagination. En pouvait-il être autrement? C'est précisément le caractère de l'art d'être un jeu, et c'est par là qu'il mérite de charmer et d'embellir la vie. Comment donc ces mêmes personnages, qui composent encore aujourd'hui notre personnel tragique, prendraient-ils à nos yeux une consistance historique qu'ils n'ont jamais eue? Ce qui nous trompe, et ce qui en cela fait le plus grand honneur à l'art, c'est la vérité et la puissance des passions auxquelles les acteurs prêtent l'apparence matérielle de leurs corps. Il ne faut donc pas s'y méprendre: il n'y a pas et il n'y a jamais eu de milieu historique concordant expressément avec ces figures tragiques. La mise en scène doit se composer non pas avec ce qui a été ou ce qui a pu être, mais avec les images qui, dans notre imagination, forment et composent le monde antique. Quelque parti que nous prenions, quelles que soient les recherches savantes et archéologiques dont