Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/186

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dont la sainte armée devrait peser sur l'orgueil et sur la colère d'Athalie. Et ici ce sont bien les sentiments par lesquels passe Athalie qu'il faut nous faire comprendre et partager. Un glaive à la main des lévites ne suffit pas; il faudrait un appareil plus formidable, et surtout éviter l'entrée successive des lévites par les bas côtés. Au moment où le fond du théâtre s'ouvre et où l'on aperçoit les rangs pressés des lévites hérissés d'armes, le mouvement orchestrique devrait consister en une marche d'ensemble, de deux ou trois pas seulement, de toute cette troupe armée, divisée en deux groupes, l'un à gauche, l'autre à droite du trône. Cette double poussée imposante agirait avec une puissance que doublerait l'ensemble du mouvement; et nous participerions au sentiment de surprise et d'effroi qui s'empare de l'esprit d'Athalie. On peut d'ailleurs juger de la puissance d'effet que possède un mouvement d'ensemble par les ballets italiens dont c'est à peu près le seul mérite.

Quand le chœur est appelé à jouer un rôle passif, ce qui avait lieu en général chez les anciens, la mise en scène demande plus de soins encore et plus de science; car, dans ce cas, c'est le chœur lui-même qui devient le personnage complexe auquel nous nous intéressons et avec lequel nous sympathisons. Il exprime alors les sentiments divers qui doivent passer dans notre âme et nous agiter comme lui-même. Tout le public participe à la situation du chœur, et le triomphe du poète est de réussir à troubler l'âme du spectateur des mêmes émotions qui sont censées troubler l'âme