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Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/190

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j'ai vu supprimer la figuration dans la dernière scène du cinquième acte, ce qui est absolument contraire au texte de Racine, ce qui nuit à l'effet représentatif de cette suprême scène et ce qui en outre entraîne la suppression des quatre derniers vers de la tragédie.

C'est, en général, quand la pièce est sue et prête à être jouée que l'on forme et que l'on façonne la figuration. Les figurants, il est vrai, n'ont plus à réciter les chœurs de Sophocle, d'Euripide et d'Aristophane, qui comptent parmi les plus beaux morceaux que nous ait laissés la poésie lyrique. Aussi le dommage est-il moindre. Cependant pendant longtemps les figurants ont déparé la tragédie française. Jadis, on faisait généralement avancer les soldats, grecs et les licteurs romains en une sorte de file indienne; puis ils faisaient front, face au public, comme nos conscrits sur le terrain d'exercice. Or une marche de flanc est aussi dangereuse au théâtre qu'à la guerre, car le ridicule tue aussi bien et aussi sûrement qu'un boulet de canon. Et de fait, le public accueillait presque toujours ces pauvres licteurs d'un rire moqueur qui avait pour premier inconvénient de détruire son propre plaisir. Aujourd'hui, la tragédie est dans son ensemble beaucoup mieux jouée qu'autrefois, même que du temps de Rachel, que nous n'avons plus, hélas! La raison en est dans le soin que l'on prend de ne confier les rôles secondaires qu'à des acteurs capables de les tenir dignement et aux précautions qu'on prend pour éviter aux figurants leur antique mésaventure.