Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

D'ailleurs, si l'art nouveau est plein de dangers, il n'est pas toujours sans charmes, et nous nous laissons volontiers séduire de plus en plus par tous les traits, si exigus qu'ils soient, qui portent l'empreinte de la vérité. Nous-même, nous nous apercevons que notre esprit est moins homogène que celui de nos pères et qu'il est en proie à l'esprit d'analyse. Nous goûtons donc un art que nos pères n'auraient pas apprécié, et, en dépit de son infériorité, nous éprouvons des charmes secrets à pénétrer dans les replis des êtres et des choses. Malheureusement l'apparent et le matériel nous distraient de l'âme humaine: à trop partager son cœur, on abaisse l'idée que l'on se faisait de l'amitié. Au théâtre, l'artiste vise un but moins élevé; il a mis l'idéal à sa portée. Mêlé à la foule, il imite Malherbe qui allait étudier sa langue au port au foin, et, à la poursuite du réel, il saisit la vérité partout où il la rencontre, dans les assommoirs aussi bien que dans les alcôves des femmes perdues. Certes il y fait des trouvailles originales; et il met en saillie les caractéristiques de tous ces personnages nouveaux dans le monde de l'art et jusqu'à celles même des métiers les moins avouables. Je ne méprise nullement l'effort de l'artiste en quelque sens qu'il s'exerce; cet effort n'est ni vain ni puéril, mais c'est l'histoire des chercheurs d'or: après avoir épuisé les mines aux filons éblouissants, ils tamisent la poussière d'or mêlée au limon que charrient les fleuves.

Peu à peu le métier dramatique s'encombre de formules qui vont en se compliquant de plus en plus, et