Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/237

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même des passions, ne doit jamais manquer de dignité. Les acteurs qui abordent ces rôles sont obligés d'exercer sur eux une contrainte sévère, de maîtriser tout mouvement qui pourrait trahir leur personnalité moderne, de tenir enfin leur être tout entier sous la dépendance de la passion dont ils prennent le langage ou du caractère général aux impulsions duquel se plie l'action dramatique.

Largeur, simplicité, sobriété, mais précision dans les effets, telle est la loi de composition de tous les rôles classiques. Il n'y a pas de meilleure école pour les comédiens; et c'est l'influence permanente de l'ancien répertoire qui fait la supériorité incontestable de la Comédie-Française sur tous les autres théâtres. Tour à tour, entre les représentations d'une pièce moderne qui doit garder l'affiche pendant trois ou quatre mois, chaque sociétaire reprend la tunique d'Hippolyte ou les rubans verts d'Alceste, reforme son corps, son attitude, sa démarche, ses gestes à la sévérité sculpturale de l'antique ou à l'aisance aristocratique du grand siècle, et accorde de nouveau son oreille aux harmonies du vers de Racine ou aux larges mouvements aisément cadencés de la prose de Molière. Les comédiens qui passent par ces épreuves se corrigent ainsi incessamment du maniéré, du cherché, des gestes inconscients et des défauts de diction inhérents à la conversation courante. Quand ils abordent les rôles du théâtre moderne, ils en élargissent les effets, les haussent en quelque sorte d'un ton, et ne sont pas sans influence sur les auteurs qui écrivent