Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/25

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En effet, si nous considérons le théâtre des Grecs, nous pouvons dire que nous n'avons aucune idée, ou tout au moins que des idées excessivement confuses, de ce que pouvait être la représentation des tragédies d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide, ou celle des comédies d'Aristophane. C'est uniquement par leur valeur intrinsèque qu'elles s'imposent à notre admiration, et c'est avec raison que nous les considérons comme des modèles presque inimitables, sans que nous ayons besoin de tenir compte d'un effet représentatif que nous ne pouvons imaginer qu'à grand renfort d'érudition, sans jamais pouvoir être sûr de l'apprécier à sa juste valeur.

Il en est à peu près de même du théâtre des Espagnols, aussi bien que de celui des Anglais et des Allemands. Bien que les sujets en soient pris dans un monde en tout moins éloigné du nôtre et qui est celui où se meuvent souvent encore nos personnages de théâtre, ce n'est nullement dans leur effet représentatif que nous cherchons et que nous trouvons les justes motifs de leur renommée. Nous n'en sommes que très rarement les spectateurs, et c'est uniquement comme lecteurs que nous apprenons à les connaître et que nous les jugeons. C'est bien dans ce cas l'esprit seul qui en goûte la poésie, sans que nos yeux soient dupes des séductions de la mise en scène. Le théâtre français lui-même n'échappe pas au même phénomène. La représentation l'amoindrit presque toujours, en atténue les proportions psychologiques et en rapetisse sensiblement les héros. Que serait-ce si