Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/255

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intérêt est, il est vrai, très vif parce que l'actrice qui remplit ce rôle a une remarquable diction, aussi large et aussi pure quand elle chante, même sans accompagnement, que lorsqu'elle parle. Néanmoins, cette première scène de l'acte prépare surtout la dernière. En effet, quand Sûzel aperçoit de loin la voiture qui emporte Fritz, Fritz qui fuit éperdu, croyant guérir ainsi son inguérissable blessure, elle tombe anéantie sur un banc, et au même moment le chœur des moissonneurs, qui regagnent lentement la ferme, fait entendre de nouveau le dernier vers de la chanson de Sûzel, qui est ici d'une indicible mélancolie:

Ils ne se verront plus!

Ce chœur entendu dans le lointain semble le gémissement de la nature entière, qui pleure le cœur brisé de la pauvre fille et son bonheur détruit. Que pourrait dire Sûzel et quelles paroles vaudraient l'éloquence de cette phrase musicale, qui arrive au public grossie de tous les sanglots qui gonflent le cœur de l'abandonnée? C'est là une belle fin dramatique, où, il est vrai, le sentiment l'emporte sur l'idée, mais qui est conforme à l'esthétique du drame moderne.

Le premier acte de l'Ami Fritz présente un emploi de la musique plus remarquable encore, parce qu'il est plus rare: il s'agit de l'émotion produite uniquement par un morceau de musique instrumentale. Après une minutieuse exposition, dont tous les détails font ressortir l'épicurisme de Fritz et son égoïsme de vieux garçon, on s'est mis à table, et ce repas de