toute formée des leçons d'un maître, ou ne l'ont pas puisée dans l'étude des chefs-d'œuvre des siècles passés. Il n'y a pas d'entente artistique possible entre un homme qui éprouve des émotions profondes à la lecture d'Homère ou de Sophocle et un homme qui n'a jamais connu leurs œuvres que par ouï-dire, ce qui cependant est déjà un progrès sur l'ignorance absolue.
Nous assistons donc à la décadence certaine de l'art, dans la forme du moins que nous avons été habitués à lui reconnaître et sous laquelle nous l'avons aimé, respecté et cultivé. Cet art était le privilège d'une élite peu nombreuse qui, dédaigneuse des spectacles vulgaires et ne recherchant que les sensations exquises, n'en respirait que la fleur et laissait tomber le reste en poussière. Tout drame ou toute comédie était un conflit psychologique et moral et mettait en présence des êtres qui, sous des apparences réelles, n'étaient qu'idéalement vrais. Sous les traits individuels que leur prêtaient les acteurs, les personnages de théâtre étaient des types généraux que la nature ne nous offre jamais et que l'esprit peut seul concevoir et se représenter. Aussi le point de départ essentiel de cet art transcendant était la convention. Ce qui, dans tout drame et dans toute comédie, était idéalement vrai, c'étaient les vertus, les vices, les caractères ou les passions. C'était là que portait tout l'effort de la création artistique, de l'observation philosophique et de l'imagination poétique; et ces êtres, en quelque sorte abstraits, prenaient alors une intensité de