Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/267

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quand il fouille les plis les plus cachés de l'âme humaine et soumet à son étude les ferments de sa désorganisation morale. En même temps, les couches humaines les plus profondes, entraînées par le grand mouvement des révolutions s'élèvent comme une écume à la surface des sociétés et viennent d'elles-mêmes se placer dans le champ de ses observations. Son œil patient décompose ces masses et s'attache aux caractères particuliers qui différencient ces millions d'individualités. Chacune d'elles est un nouveau monde, complexe et complet en soi, qui obéit à ses lois propres et relatives, dérivées des lois générales et absolues. Par suite, le problème dramatique semble être aujourd'hui de mettre en relief, non les caractères communs et collectifs que ces individualités offrent à un observateur attentif, mais les caractères particuliers qui de chacune font un être distinct.

L'art réaliste vise donc l'individuel et partant l'exceptionnel, d'où l'extrême difficulté d'en obtenir une représentation, toute représentation étant toujours le résultat d'un travail idéal et d'une généralisation. C'est pourquoi la nouvelle école voudrait ramener l'art à la présentation du réel, sans se rendre compte de ce que cette ambition a précisément de chimérique. Toute œuvre d'art ne peut être qu'une représentation du réel et partant est une création idéale: il suffit pour arriver à cette conclusion de ne pas raisonner par à peu près et de prendre les mots avec leur sens exact. Une œuvre dramatique, conçue selon les visées réalistes, est uniquement une œuvre dont l'idéal est