Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/280

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élever le pittoresque de la décoration à l'état de ressort dramatique, ou autrement, de regarder le pittoresque comme une cause finale suffisante de l'évolution dramatique. Il ne peut en être qu'une des causes formelles. Nous aboutissons donc, pour l'ensemble décoratif, à la même loi que pour tout objet considéré dans son influence éventuelle sur la marche du drame.

Il est certain que, dans toute conception poétique, le monde extérieur, réduit au milieu immédiat où s'agitent les personnages, fournit ou peut fournir incessamment à ceux-ci les causes formelles de leur langage. La mise en scène peut-elle nourrir l'ambition réaliste de rendre visible au spectateur tout ce qui, dans le milieu objectif, joue le rôle d'une cause formelle? C'est le dernier refuge de l'école nouvelle. Pour éclaircir cette question, prenons un exemple. Au troisième acte de Il ne faut jurer de rien, le décor, à la Comédie-Française, représente un bois sombre et sauvage. Les arbres qui montent jusqu'aux frises dérobent au spectateur la vue du ciel. C'est une belle solitude nocturne. Voyons maintenant la mise en scène imaginée par le poète. C'est un soir d'été. Après une chaude journée, l'orage à éclaté. Quand Van Buck et son neveu arrivent près du lieu où doit se rendre Cécile, Valentin, en quelques mots, esquisse la mise en scène: «La lune se lève et l'orage passe. Voyez ces perles sur les feuilles, comme ce vent tiède les fait rouler.» Enfin, dans la clairière où se rencontrent Valentin et Cécile, la mise en scène est conditionnée par le texte: «Venez là, où la lune éclaire...— Non,