Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/282

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ce que je sais, ma chère; voilà ce que cette fleur te dira, etc.), qui sont incompatibles avec un décor nocturne, c'est qu'en effet, dis-je, la nature évoquée par le poète est purement idéale, c'est-à-dire conçue par son esprit, et que la mise en scène décrite par lui n'est pas la peinture réelle d'un effet vu et observé par ses yeux. Dans la conception de cette scène, ce n'est pas la vue d'un phénomène qui a déterminé l'idée, mais, au contraire, l'idée qui a ramené dans l'imagination du poète la représentation d'un phénomène.

La Comédie-Française a donc dû chercher l'idée générale du décor au delà des causes formelles de la pensée du poète; et elle a placé Valentin et Cécile au milieu d'une solitude profonde, qui rendît possible au séducteur toute tentative de profanation et fît resplendir l'angélique pureté de cette jeune fille qui, seule, la nuit, vient, sereine et candide, poser son front sur la poitrine de celui qu'elle aime. Le véritable orage qui s'apaise, c'est celui qui s'était soulevé dans le cœur de Valentin, et la véritable étoile, ce n'est pas celle que pourrait allumer le metteur en scène dans le ciel de son décor, c'est celle de l'amour qui se lève dans l'âme purifiée de Valentin. On voit donc combien l'effet général du décor répond mieux à l'idée poétique que les effets particuliers d'une mise en scène plus naturaliste.

Cet exemple montre qu'il faut lire avec la plus grande attention l'œuvre que l'on doit mettre en scène et déterminer la nature de l'inspiration de l'auteur. S'il est sensible que le poète a remonté de l'idée au phénomène,