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Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/294

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l’arrivée du train, en tête duquel s’avançait la locomotive, armée de ses feux rouges comme de deux yeux sinistres, la déception du spectateur était complète, et ce chemin de fer de carton frisait le ridicule. C’est qu’en effet ce n’était qu’un joujou. La locomotive et les voitures du train n’avaient que les dimensions que leur imposait la perspective théâtrale, et par conséquent elles étaient trop petites pour la distance réelle. Dans la Jeunesse du roi Henri, un des décors représentait un carrefour dans une forêt, et la perspective habile donnait à cette forêt de vastes proportions. Soudain, deux ou trois cavaliers débouchent du fond, suivis d’une meute de vrais chiens : immédiatement la forêt devient un joujou. C’est Gulliver s’ébattant maladroitement dans un paysage de l’île de Lilliput. Cette contradiction optique provient, on le sait, de ce que la profondeur de la scène est en grande partie fictive. Voilà encore un obstacle que ne pourra surmonter l’école naturaliste. Il lui est donc interdit de composer des tableaux où doit éclater la contradiction qui résulte de la juxtaposition d’êtres soumis à la perspective réelle de la nature et d’objets soumis à la perspective fictive des théâtres.

Pour aborder certaines représentations, l’école, pour être conséquente avec elle-même et pour réaliser quelques-uns de ses principes les plus chers, devra se résoudre à faire construire des théâtres spéciaux, à scènes rectangulaires très profondes, dans lesquels le plancher de l’orchestre et du parterre sera sensiblement élevé, et le plancher de la scène ramené à l’horizontalité. Alors,