Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/74

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nous parlions; or, ici, il annonce une scène subséquente dont le public est ainsi averti, qu'il attend, et qui se produira en effet. Pendant tout le temps que dure la scène où Trissotin lit ses vers, ce siège vide est un témoin muet; sa présence est déjà une protestation contre les méchants vers de Trissotin, et le public se dit qu'il annonce nécessairement un autre personnage qui vengera le bon sens outragé. Et ce vengeur, en effet, c'est un autre pédant, Vadius, qui, tout pédant qu'il est lui-même, fera entendre à Trissotin de dures, mais justes vérités. On voit par cet exemple comment la mise en scène conspire à l'évolution de l'action dramatique, en fondant ses dispositions quelquefois les plus simples sur la logique rigoureuse qui régit l'esprit du spectateur.

Il n'est pas jusqu'aux objets non visibles qu'il soit permis de produire sans préparation et sans précaution. Tous les jours, nous croisons dans la rue des personnes qui portent un revolver sur elles et auxquelles il pourrait arriver d'être en situation de le tirer de leur poche. Sur la scène, un personnage ne peut impunément tirer à l'improviste un revolver de sa poche; il faut, ou que le public soit averti de la présence d'une arme dans la poche de tel personnage, ou que tout au moins il soit prédisposé à voir cette arme apparaître. Il ne serait pas non plus permis à un personnage de parler d'un pistolet qu'il porte sur lui, l'occasion même serait-elle naturelle, si cette arme ne devait point jouer un rôle subséquent. Mais ces deux derniers exemples ont trait aux fautes de