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Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/89

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sur leur résolution morale, ni le luxe des appartements, ni les richesses qui s'entassent dans les coffres de banquier, ni la beauté des costumes, rien enfin de ce qui est la marque de la position plus haute à laquelle leur position plus humble leur défend d'aspirer. Aussi tout ce qui, dans la décoration et dans la mise en scène, attirerait les regards à ce point de vue rendrait presque impossible le dénouement que le public attend et désire, et en tous cas en dénaturerait la grandeur morale. La mise en scène doit être humble, modeste, presque effacée, pauvre de détails, car rien n'y a d'intérêt pour nous; les costumes simples et un peu austères, le jeu des acteurs contenu, leurs gestes et leur diction sans emphase. Il faut, en un mot, resserrer l'action, la maintenir et la dénouer dans, un milieu purement moral, sans qu'aucun détail de la mise en scène vienne de sa pointe trop brillante déchirer le voile de larmes que le drame a fait descendre sur les regards des spectateurs.

Combien seront différents les effets que l'on devra se proposer d'obtenir dans la représentation de l'Ami Fritz, de MM. Erckmann-Chatrian. Dans ce drame; les causes immédiates sont toutes objectives. Fritz est un homme jeune, bien portant, égoïste et heureux. Tout lui sourit dans la vie, et il possède ce qui à ses yeux compose le véritable bonheur ici-bas, une maison bien ensoleillée, des buffets bien garnis d'argenterie et de beau linge, une gouvernante qui prévient ses moindres désirs, et un estomac capable de tenir tête aux amis qu'il rassemble à sa table et avec lesquels