Page:Becque - Théâtre complet, 1890, tome 1.djvu/195

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pour conserver à son blason un air de vieille monarchie. Patricien dédaigneux et inhumain, débauché vulgaire, joueur ridicule, il mettra cent mille francs sur une carte et ne donnerait pas un sou pour une fondation philanthropique. ? Vous m’avez interrompu, ma chère madame, au moment où nous parlions de vous. Ai-je été jeune, moi ? Quelques fantaisies satisfaites à la hâte et aussitôt dédaignées, est-ce là tout ce que contient l’âge d’or de la vie ? Ai-je été riche ? Le patrimoine que mes ancêtres avaient mis cinq cents ans à établir, l’ai-je jeté à des caprices ? Il n’a pas seulement suffi à mes besoins. La science a dévoré mes lingots comme mes années, et que m’a-t-elle donné en retour ? Des travaux sans résultat, des adversaires sans générosité. Tout ce qui est de l’homme, ce qu’il compte, et ce qu’il chante, les jouissances de l’activité, les poésies de l’argent, autant de sacrifices irréparables que m’a coûtés la recherche d’un seul problème, la poursuite d’un x, secret de la matière qu’un autre trouvera après moi. L’élève de Laplace, l’ami d’Arago, n’est plus aujourd’hui qu’un vieux fou que vous seule encore, chère madame, écoutez si patiemment.

MADAME DE LA ROSERAYE

Excusez-moi, monsieur le baron, de ne pas être tout entière à vous, mais il y a là quelques personnes que l’absence de M. de la Roseraye paraît mécontenter. Murmures derrière la porte du fond.


LE BARON, retombant dans sa distraction