Page:Becque - Théâtre complet, 1890, tome 1.djvu/264

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LE BARON

Oui, vous êtes brave, je l’oubliais. Vous êtes brave quand vous mettez l’escrime\au service de vos lâchetés. Vous êtes brave quand vous arrivez sur un champ de bataille comme dans une maison de jeu. Vous avez cette bravoure sauvage que donne le mépris des autres et de soi-même, qui frappe les hommes sans défendre les drapeaux. Les gens comme vous, monsieur, qui font du courage l’unique vertu humaine, doivent tomber jeunes ; leur vie coûte— plus de larmes que leur mort.

LE COMTE

Souvenez-vous de votre grand âge, monsieur le baron, si vous ne voulez pas que je l’oublie moi-même. ? Vous me parlez de drapeaux, je crois, montrez-moi ceux de notre temps. Siècle d’anarchie, de profanation et de blague ! Siècle de bavards et d’écrivassiers qui ont bafoué toutes les causes, culbuté tous les principes ! Est-ce son drapeau à la main que le descendant d’une famille illustre m’invite à prostituer le sang de ma race et le nom de mes ancêtres ?

LE BARON

Belle noblesse, monsieur, que la vôtre ! Noblesse de parade et d’écusson qui sonne bien haut dans les cirques, mais qu’on ne connaît ni à l’académie, ni au forum. Saint-Simon nous l’a dépeinte, votre noblesse, que la royauté couvrait de ses rayons comme une mare de boue qui reluit au soleil. J’appartiens à cette