Page:Becque - Théâtre complet, 1890, tome 1.djvu/296

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leurs maris, s’écarteront de moi ; je serai plus fière encore que leur mépris ! Le comte sera-t-Il chez lui ? Cette lettre, inattendue, de quel air la recevra-t-il ? Il m’aimait malgré tout, m’aime-t-il encore ? Folle ! folle ! quelle question te fais-tu là ? Ignores-tu ce que vaut son amour ? Ne compte pas sur son cœur. Compte sur l’appui qu’il te doit, et souhaite qu’il te préfère à la première venue !… L’aimes-tu toi-même ? Ah’s’il était là, devant moi, et qu’il connût mes plus secrètes pensées, je ne pourrais pas supporter son regard. Non ! je ne l’aime plus ! Ce que je veux de lui, maintenant, c’est ce que j’ai refusé autrefois ; toutes les fantaisies de la richesse, toutes les voluptés de l’indépendance ! Cette fille ne revient pas. Que ferais-je ; si LE BARON, plus barbare encore que l’autre, me laissait là, sans protection et sans refuge ? Que deviendrais-je ? Oui, ma mère me pardonnerait. Pauvre mère. Quelle douleur demain et quelle honte 1 J’aimerais mieux mourir que de reparaître devant elle. Pourquoi ai-je fait cet aveu ? Quel remords m’a prise, quelle audace m’a tentée ? Ne savais-je pas que les hommes qui ne comptent pour rien leurs trahisons n’ont pas de pitié pour les nôtres. Tous sont ainsi, le bourreau qui m’a perdue, comme le malheureux que j’ai trompé. Où est-il maintenant ? Que fait-il ? Il souffre de son côté et moi du mien. Pourquoi ne revient-il pas ? Ah ! s’il revenait… Si l’amour me le ramenait généreux et apaisé, et que le passé fût absous solennellement, moi je ne me souviendrais ni de ses