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Page:Bedier - La Chanson de Roland.djvu/251

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CCXIV

L’empereur Charles veut s’en retourner : or devant lui surgissent les avant-gardes des païens. De leur troupe la plus proche viennent deux messagers. Au nom de l’émir, ils lui annoncent la bataille : « Roi orgueilleux, tu n’en seras quitte pour repartir. Vois Baligant qui chevauche après toi ! Grandes sont les armées qu’il amène d’Arabie. Avant ce soir nous verrons si tu as de la vaillance. » Charles le roi a porté la main à sa barbe ; il se remémore son deuil et ce qu’il a perdu. Il jette au loin sur toute sa gent un regard fier, puis s’écrie de sa voix forte et haute : « Barons français, à cheval et aux armes ! »

CCXV

L’empereur, lui le premier, s’arme. Rapidement il a revêtu sa brogne. Il lace son heaume, il a ceint Joyeuse, dont le soleil même n’éteint pas la clarté. Il pend à son cou un écu de… Il saisit son épieu et le brandit. Puis sur Tencendur, son bon cheval, il monte : il l’a conquis aux gués sous Marsonne, quand il jeta hors des arçons Malpalin de Nerbone et le renversa mort. Il lâche au destrier la rêne, l’éperonne à coups pressés, prend son galop sous le regard de cent mille hommes. Il invoque Dieu et l’apôtre de Rome.