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XL

Marsile dit : « Ganelon, sachez-le, en vérité, j’ai à cœur de beaucoup vous aimer. Je veux vous entendre parler de Charlemagne. Il est très vieux, il a usé son temps ; à mon escient il a deux cents ans passés. Il a par tant de terres mené son corps, il a sur son bouclier pris tant de coups, il a réduit tant de riches rois à mendier : quand sera-t-il las de guerroyer ? » Ganelon répond : « Charles n’est pas celui que vous pensez. Nul homme ne le voit et n’apprend à le connaître qui ne dise : L’empereur est un preux. Je ne saurais le louer et le vanter assez : il y a plus d’honneur en lui et plus de vertus que n’en diraient mes paroles. Sa grande valeur, qui pourrait la décrire ? Dieu fait rayonner de lui tant de noblesse ! Il aimerait mieux la mort que de faillir à ses barons. »

XLI

Le païen dit : « Je m’émerveille, et j’en ai bien sujet. Charlemagne est vieux et chenu ; à mon escient il a deux cents ans et mieux ; par tant de terres il a mené son corps à la peine, il a pris tant de coups de lances et d’épieux, il a réduit à mendier tant de riches rois : quand sera-t-il recru de mener ses guerres ? — Jamais, » dit Ganelon, « tant que vivra son neveu. Il n’y a si vaillant que Roland sous la chape du ciel. Et c’est un preux aussi qu’Olivier, son compagnon. Et les