Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/115

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moitié en pièces avant que nous ayons pu le leur arracher !

— Il y faut regarder de près, surtout en fait d’articles vendus pour leur beauté, voyez-vous !

— Je vois très-bien, Haley, répliqua Marks. Puis, si la fille est gitée, les chiens deviennent superflus. Ils comptent d’ailleurs pour peu dans vos États du Nord, où ces créatures sont voiturées. Ce n’est plus comme dans nos plantations, où le noir qui s’enfuit n’a recours qu’a ses jambes, et n’est point secouru.

— Allons, dit Loker qui était allé prendre langue au comptoir. L’homme arrive avec le bateau. En route, Marks ! »

Ce dernier — pauvre homme ! — jeta un triste regard sur les confortables quartiers qu’il lui fallait abandonner, et se leva lentement pour obéir. Après avoir encore échangé quelques mots sur les arrangements ultérieurs avec les deux associés, Haley déboursa, non sans une répugnance visible, les cinquante dollars convenus, et le digne trio se sépara.

Si la délicatesse de quelques-uns de nos lecteurs chrétiens se trouve choquée de la société dans laquelle cette scène vient de les introduire, qu’ils veuillent bien faire taire leurs préjugés et ajourner leurs scrupules. Le métier de traqueurs d’esclaves est en hausse, et promet, grâce à la nouvelle loi, d’être un jour une honorable, patriotique et légale profession. Si tout le large territoire qui s’étend du Mississipi à l’océan Pacifique devient un grand bazar pour le débit des corps et des âmes, et que la marchandise garde la mobilité que lui imprime le dix-neuvième siècle, le marchand et le traqueur d’esclaves pourront prendre un haut rang dans l’aristocratie américaine.