Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/142

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évertue, faisons connaître un peu à nos lecteurs ce nouveau personnage.

L’honnête vieux Jean Van Trompe, jadis propriétaire de vastes biens dans le Kentucky, et d’un personnel d’esclaves très-considérable, n’avait d’un ours que la peau. Doué par la nature d’un cœur juste, honnête et noble, un grand cœur dans un corps de géant, il avait pendant quelques années supporté, avec un malaise croissant, le jeu d’un système également funeste à l’oppresseur et à l’opprimé. Un jour enfin son noble cœur se gonflant de façon à rompre sa chaîne, il avait pris son portefeuille, et traversant l’Ohio, acheté dans cet État bon nombre d’hectares d’un terrain riche et productif. Après quoi, affranchissant tout son monde, hommes, femmes, enfants, il les expédia dans des charrettes à ces nouvelles terres pour s’y établir ; et l’honnête Jean, se retirant sur une ferme isolée au bord d’une baie, jouissait en paix, dans cette profonde retraite, de sa conscience et de ses réflexions.

« Êtes-vous homme à protéger une pauvre femme et son enfant contre ces traqueurs d’esclaves ? demanda nettement le sénateur.

— Je suppose que oui ! répondit Van Trompe avec quelque emphase.

— J’en étais sûr.

— Qu’ils y viennent ! reprit le brave homme, développant dans toute leur étendue ses membres musculeux.

Qu’ils y viennent ! j’ai sept fils, chacun de six pieds de haut, tous à leurs ordres. Présentez-leur nos humbles respects ! poursuivit le facétieux Jean Van Trompe, dites-leur que nous sommes prêts ! que le plus tôt sera le mieux ! » Le géant passa sa main puissante à travers le chaume épais qui formait sa chevelure, et éclata d’un rire homérique.

Fatiguée, exténuée, abattue, la pauvre Éliza se traîna vers la porte, son enfant profondément endormi dans ses bras. L’ourson approcha la lumière de sa figure, et, laissant