Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/177

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« J’y aurai l’œil, dit-il à Tom, faute de quelque autre à qui parler. Vois-tu, nègre, je veux monter un assortiment d’articles de choix, pour les conduire là-bas avec toi. Cela te fera de la société ; cela t’aidera à passer le temps. Nous irons d’abord tout droit à Washington ; là, je te camperai en prison, pendant que j’irai expédier mon affaire. »

Tom reçut cette agréable nouvelle avec une quiétude parfaite, se demandant seulement, au fond du cœur, si ces pauvres malheureux avaient des femmes et des enfants, et s’ils souffraient, comme lui, d’en être séparés. Il faut avouer aussi que la perspective d’être campé en prison ne pouvait sourire à un pauvre diable, qui s’était piqué toute sa vie de la plus stricte droiture. Oui, Tom était fier de sa probité, n’ayant pas beaucoup d’autres sujets d’orgueil. S’il eût appartenu aux plus hautes classes de la société, peut-être n’en eût-il pas été réduit là.

Cependant le jour s’écoula, et le soir vit Haley et Tom confortablement casés dans Washington, l’un à l’hôtel, et l’autre à la prison.

Le lendemain, vers onze heures, une foule mélangée se pressait sur les marches du palais de justice, fumant, chiquant, crachant, jurant, causant, selon les goûts et l’humeur de chacun, en attendant que la vente commençât.

Les hommes et les femmes à vendre, groupés à part, se parlaient à voix basse. La négresse Agar, en tête de la liste, était de pure race africaine, traits et taille. Elle pouvait avoir soixante ans, mais le dur travail et la maladie l’avaient faite plus vieille. Elle était à demi-aveugle et percluse de rhumatismes ; à ses côtés se tenait son dernier fils, Albert, alerte et intelligent garçon de quatorze ans, le seul qui eût survécu d’une nombreuse famille, que la mère avait vu vendre successivement sur les marchés du Sud. Cramponnée de ses deux mains au jeune