Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/178

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homme, elle regardait avec effroi quiconque s’approchait pour l’examiner.

« N’ayez peur, tante Agar, dit le plus vieux nègre, j’ai parlé de lui à massa Thomas, et il tâchera de vous vendre en un lot, tous deux ensemble.

— Ne me faites pas passer pour vieille et bonne à rien, dit-elle avec véhémence. Je sais faire la cuisine, fourbir, récurer. Je vaux l’argent, si on n’en demande pas trop. — Dites-leur, dites-leur donc ! » ajouta-t-elle avec vivacité.

Haley se fraya un chemin dans le groupe, alla droit au vieux, lui tira la mâchoire inférieure, examina l’intérieur de sa bouche, lui toucha les dents une à une, le fit se redresser, s’étendre, se courber, et exécuter diverses évolutions, pour juger du jeu des muscles. Il passa ensuite à un autre, qu’il soumit à la même épreuve. Arrivé enfin devant le jeune garçon, il tâta ses bras, lui ouvrit les mains, regarda ses doigts, et lui commanda de sauter, afin de faire preuve d’agilité.

« Il ne sera pas vendu sans moi, dit la vieille avec passion. — Lui et moi ne faisons qu’un lot. Je suis forte, allez, maître ! — Je puis faire des masses d’ouvrage… des tas… maître !

— Sur les plantations ? reprit Haley avec un regard de dédain : bonne histoire ! » Et satisfait de son examen, il s’éloigna les deux mains dans ses poches, son cigare à la bouche, et son chapeau de côté, attendant le moment d’agir.

« Qu’en pensez-vous ? dit un homme qui avait suivi Haley pendant son inspection, comme pour s’éclairer de son expérience.

— Je verrai… je crois que je pousserai les plus jeunes, et l’enfant, répliqua-t-il.

— Mais on ne veut le vendre qu’avec la vieille, dit l’autre.

— Ce sera dur à arracher ! la vieille n’est qu’un tas d’os ; elle ne vaut pas le sel qu’elle mangera.