Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/179

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— Vous ne mettriez donc pas dessus ?

— Quelque sot ! Elle est plus d’à moitié aveugle, toute bancroche de rhumatismes, et imbécile, par-dessus le marché.

— Il y en a pourtant qui achètent ces vieilles-là, et qui affirment qu’elles ont la vie dure, et qu’on en peut tirer meilleur parti qu’on ne croirait, dit le questionneur d’un ton réfléchi.

— Ce ne sera toujours pas moi ; je n’en voudrais pas quand on m’en ferait présent. C’est vu, d’ailleurs.

— Eh bien ! ce serait tout de même une manière de pitié de l’acheter avec son fils ; elle y tient trop ; elle ne pourra pas s’en passer. Supposons qu’on la crie au rabais ?

— C’est bon pour ceux qui ont de l’argent à perdre. Moi, je mettrai l’enchère sur le garçon : il y a chance de le vendre à un planteur ; mais je n’entends pas m’embarrasser de la vieille : non, pas même si on me la donnait pour rien.

— Elle prendra le chagrin à cœur, dit l’autre.

— Probable, » reprit le marchand avec indifférence.

Un bourdonnement confus interrompit la conversation ; le crieur, gros homme, important et affairé, s’ouvrit avec ses coudes un chemin dans la foule. La vieille retint son souffle, et attira instinctivement l’enfant à elle.

« Tiens-toi près de mère, Albert, tout près, — entends-tu ?… Tout à l’heure l’homme nous mettra ensemble à la criée.

— J’ai peur que non, mère, dit le jeune garçon.

— Il le faut, enfant ; ils savent bien que je ne peux pas vivre sans toi, » dit la vieille avec véhémence.

Le crieur annonça, d’une voix de stentor, que la vente allait commencer. La foule s’écarta : l’enchère était ouverte. Les hommes furent adjugés à des prix qui prouvaient que la marchandise était demandée, et les cours bien tenus ; deux échurent en partage à Haley.

« Allons, jeune homme ! dit le crieur, touchant l’enfant